CERCLE CAMEROUNAIS DE PHILOSOPHIE
(CERCAPHI)
PRESIDE PAR LE Pr. E. NJOH-MOUELLE
Déclaration N° 00372/RDA/J06/BAPP
Affilié à l’Association des Sociétés de Philosophie de Langue Française (A.S.P.L.F/Lyon)
DELEGATION REGIONALE DE DOUALA
« La philosophie a bel et bien partie liée avec la vie quotidienne »
E. NJOH-MOUELLE, Discours sur la vie quotidienne, Afrédit, 2007, p.13
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CERCAPHI/IFC
COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE DU 12 MAI 2015
Temps très pluvieux ce soir à Douala. Commencée à 17h, c’est vers 21h que la forte pluie a cessé.
Salle pleine au 1/3. Public varié et très intéressé.
I. Réponses aux questions du modérateur.
Si pour M. Toukam Henri, le développement a un fondement fortement économique, pour M. Kayese, le concept est polysémique et peut se comprendre comme « la sortie de l’incommodité ». S’agissant de la démocratie, les deux intervenants se sont accordés sur la place importante que ce système politique réserve à la volonté populaire. Pour eux ce système, qui protège et promeut les droits et les libertés, a besoin des institutions fortes pour encadrer les excès et les débordements inhérents à la nature humaine.
Cette phase définitionnelle passée, M. Toukam a insisté sur le fait qu’en démocratie, la limitation du mandat présidentiel et l’arrivée de nouvelles figures au sommet de l’Etat engendre la compétition et la comparaison, nécessaires à l’impulsion du développement. Il a dit reconnaître les vertus développementales de l’autocratie, mais a précisé que ce système, qui a permis à certaines nations occidentales de réaliser de grands chantiers, ne cadrait plus avec la modernité.
M. Kayese a dit se méfier de l’image de la démocratie que l’Occident renvoie au reste du monde. Selon lui, ce n’est pas dans la limitation du mandat présidentiel qu’il faut voir le décollage économique des peuples africains, mais dans la promotion de l’éducation politique des peuples. Seule cette éducation peut permettre aux gens de se détourner du vote tribal et d’apprendre à défendre leurs droits et libertés lorsqu’ils sont bafoués. Pour Kayese, cette éducation doit faire comprendre aux uns et aux autres que la liberté sexuelle par exemple n’est pas un crime là où la loi l’autorise et l’encadre.
A la question de savoir si le grand nombre (la volonté de la majorité) est un critère absolu de vérité, M. Kayese a reconnu que c’est là l’une des entorses de la démocratie, parce qu’un groupe tribal majoritaire peut placer à la tête de l’Etat un incompétent. D’où l’importance de l’éducation et de la formation des citoyens.
Pour M. Toukam, seule l’ignorance et l’inculture peuvent permettre au grand nombre de faire un mauvais choix. Pour y remédier, les jeunes doivent aller à l’école et s’y mettre pleinement. L’école ouvre l’esprit de l’homme et le prépare à ne plus accepter les choses passivement, moutonnièrement. Aussi, parlant de la politique développementale qui doit être adoptée par les Africains s’ils tiennent à se faire respecter, M. Toukam a insisté sur les vertus du travail. Selon lui la politique des 35h ne sied pas aux besoins de l’Afrique. Il a ajouté que la Chine a adopté les 70h pour être là où elle est aujourd’hui. Et que les Africains doivent passer à 80h/semaine s’ils tiennent à sortir de la pauvreté ! ( Remue dans la salle)
M. Kayese n’a pas apprécié cette proposition qu’il a jugé esclavagisante.
II. QEUSTIONS ET REMARQUES DE L’ASSISTANCE
1- Mme Anne Moussinga, Journaliste LTM/RTM. Elle a distingué deux sortes de démocratie : la démocratie populiste qui s’appuie sans conteste sur la volonté bonne ou mauvaise du grand nombre, et qui veut que le grand nombre soit le critère de vérité ; et la démocratie savante qui prend appui sur l’éducation et induit le choix rationnel. Si la première porte son candidat à la tête du pays, celui-ci doit être respecté de tous, qu’il soit compétent ou non, puisqu’il a accédé au pouvoir démocratiquement.
Mais elle a ajouté que cette forme de démocratie ne peut pas promouvoir le développement collectif, parce que le groupe tribal au pouvoir va d’abord penser aux intérêts de la tribu mère.
Selon elle, la démocratie savante est la meilleure en ceci que ce n’est plus l’appartenance tribale qui guide le vote, mais la pertinence des programmes politique. Et le candidat qui convainc par les idées pensera moins à sa tribu s’il est porté aux affaires.
2. Mme Suzanne KALA LOBE, Membre du Conseil des Médias Camerounais.
Pour l’éducation politique des jeunes qui sont dans la salle de l’Institut Français, elle a dit ne pas se reconnaître dans la démocratie populiste présentée par Mme Moussinga, et que cette forme de démocratie est abjecte. Qu’il est même déplacé d’en parler.
(NB/ Mme Moussinga a souhaité reprendre la parole pour repréciser sa pensée, mais le temps assez court n’a pas permis au modérateur de le lui permettre).
Revenant sur la limitation du mandat présidentiel comme gage du développement, elle a dit que cette question n’avait aucun sens, et que ceux qui se la posent sont aveuglés par la démocratie occidentale, qui a selon elle de graves défauts. Elle a poursuivi qu’aux USA par exemple où le mandat présidentiel est limité, on assiste malheureusement à la dictature des riches, et ce sont les mêmes familles qui se succèdent au pouvoir, créant une illusion de changement qui trompent certains Africains. Selon elle, la démocratie, là où elle se pratique, doit tenir compte des facteurs endogènes et des réalités locales. Elle doit donc être régulée en fonction des cultures des peuples. Les palabres africaines par exemple étaient de grands moments de démocratie.
3- M. Nganguè Simon, Inspecteur régional de philosophie. Il a partagé le point de vue de Me KALA LOBE, et a reconnu que le contenu africain de la démocratie ne peut pas être le même qu’en Occident. A trop vouloir imiter à la lettre les Occidentaux, les Africains ne peuvent que s’égarer. Selon lui, chaque peuple se doit de contextualiser sa démocratie en tenant compte de ses rites, de ses us et coutumes.
4- M. NGWEND ZACHEE, Expert portuaire. Question : le développement, est-ce la promotion du bien-être collectif ou le partage du gâteau national ?
5- M. ABAKAKA, élève en Tle A4, collège de l’Agape. Est-ce que les Africains sont vraiment préoccupés par le développement ?
6- Mlle EMANE, élève Tle A4, Collège Adonaï. L’Inspecteur demande de redéfinir africainement la démocratie. Quel contenu faut-il donner à cette définition ?
7- M. KENGNE, élève, collège de l’Agape. Ne pensez-vous pas que la démocratie c’est le dogmatisme et la dictature, lorsqu’on voit que certains perdants refusent de consommer la défaite ?
8- M. EKWE FELIX, JOURNALISTE. Est-il possible d’avoir la démocratie dans le pré-carré français où les décisions se prennent ailleurs ?
9- Etc…
Nb. Plusieurs assistants sont rentrés déçus de n’avoir pas pu poser leurs questions, le temps ayant fait défaut.
Commencée à 17h15, la table ronde s’est achevée à 19h15.
Rendez-vous a été pris le jeudi 02 juillet 2015, pour suivre le débat sur L’EUTHANASIE.
Le Modérateur
Dr. T. Nya Célestin