Texte: Dégagez l’intérêt philosophique de ce texte à partir de son étude ordonnée.
« Athéniens, je vous suis reconnaissant et je vous aime. Mais j’obéirai au dieu plutôt qu’à vous et tant qu’il me restera un souffle de vie, tant que j’en serai capable, je ne cesserai, soyez-en sûrs, de philosopher, de vous exhorter et de m’expliquer avec tel d’entre vous, au gré des rencontres. Je lui dirai, comme à mon habitude : « O excellent homme, toi qui es d’Athènes, la cité la plus réputée pour son savoir et sa puissance, tu n’as pas honte de t’occuper de ta fortune et des moyens de t’enrichir le plus possible, de ta réputation, des honneurs, alors que de ton intelligence, de la vérité, de ton âme et des moyens de la perfectionner, tu ne t’en occupes et ne t’en soucies aucunement ?». Et si l’un de vous proteste et prétend s’en occuper, je ne le tiendrai pas quitte pour autant et loin de m’en aller, je l’interrogerai, je l’examinerai à fond, je lui ferai des objections ; et s’il me semble qu’il ne possède pas la qualité dont il se targue, je lui reprocherai de faire si peu de cas de ce qui a le plus de valeur et d’en faire davantage de ce qui en a moins ».
Platon, Apologie de Socrate, Hatier,1993, p.65, 29d-30a (Bac 2000. Série A4).
INTRODUCTION
Le texte qui est soumis à notre analyse est un extrait de l’Apologie de Socrate de Platon, œuvre qui relate le procès au terme duquel Socrate fut condamné à mort. Le texte porte sur la mission philosophique de Socrate et pose le problème de la nature de cette mission. Pour Platon, Socrate avoue confondre sa vie à la pratique de la philosophie, donc au perfectionnement moral de l’homme. N’est-il pas illusoire et irréaliste comme le fait Socrate de placer la culture de l’esprit au-dessus de la quête matérielle ?
Développement (Grandes lignes).
Explication analytique:
Le texte que nous analysons a deux articulations fortes. Socrate commence par signifier qu’il va obéir plus au dieu qu’aux Athéniens. Ensuite il affirme qu’il s’engage à examiner à fond ses concitoyens.
Le texte s’ouvre par une référence de Socrate au dieu. Il s’agit du dieu de Delphes, la Pythie. C’est la Pythie qui a révélé à Socrate qu’il était, indubitablement, l’Athénien le plus sage. Mais cette information, loin de contenter le maitre de Platon, va plutôt le bouleverser, l’inquiéter. En tant que spécialiste de la maïeutique, il va se sentir dans l’obligation de descendre vers les citoyens, toutes les classes confondues, les examiner, les interroger, afin de confirmer ou d’infirmer la déclaration de l’oracle de Delphes. Seulement, Socrate va faire de cet examen non pas un travail ponctuel, mais un exercice permanent, à mener tant qu’il lui restera « un souffle de vie ». Socrate, qui dit confondre sa vie à la pratique de la philosophie, va s’engager, « au gré des rencontres », à moraliser ses concitoyens. C’est l’objet de la seconde idée forte du texte.
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Philosopher, pour Socrate, c’est exhorter, inciter, pousser les hommes au perfectionnement moral et à la quête des connaissances. Cela passe par le combat contre la recherche effrénée des biens matériels et des honneurs. Socrate affirme qu’il est honteux de sacrifier son intelligence, la vérité, son âme, au profit des satisfactions matérielles. Ceux qui se comportent de la sorte le retrouveront sur leur chemin et il ne se gardera pas de leur dire qu’en accordant plus de valeur à « ce qui en a moins », ils se trompent. Il s’agit pour le philosophe Socrate d’être le guide et le vigile spirituel et moral de son peuple. Heidegger conforte le philosophe dans ce rôle en disant de lui qu’il est le gardien de l’être. Ailleurs dans L’Apologie, Socrate soutient qu’ « une vie sans examen ne vaut pas la peine d’être vécue ». Et c’est en examinateur qu’il apparaît clairement dans ce texte.
Mais n’est-il pas irréaliste, comme le pense Socrate, de prioriser la culture de l’âme ?
Réfutation: L’appel de Socrate de reléguer la quête matérielle au second rang sinon au dernier ne peut que difficilement passer aujourd’hui, tant le culte de l’enrichissement à tout prix est comme célébré. Le matérialisme primaire a réussi à placer les exigences mondaines au-dessus du perfectionnement de l’âme. Dans plusieurs sociétés, surtout africaines, l’être ne vaut que par l’avoir. C’est celui qui est matériellement pourvu qui est le mieux écouté et respecté. Celui qui travaille à enrichir son esprit est perçu comme un inadapté social, comme un égaré. C’est l’argent et les honneurs qui valent et comptent. Sois riche et mal éduqué, on te respectera. Sois pauvre et poli, on te méprisera !
Réinterprétation: En plaçant la culture de l’esprit au-dessus de l’enrichissement matériel et des honneurs de toutes sortes, Socrate adresse un message important à l’humanité. Le mérite du texte réside dans la priorité que Socrate demande d’accorder au perfectionnement de l’âme. Dans nos sociétés actuelles où la corruption, le mensonge, les détournements de biens publics fascinent de plus en plus, des hommes comme Socrate doivent exister. La conversion mentale que propose Socrate est valable aujourd’hui, et restera valable tant que les hommes feront « peu de cas de ce qui a la plus de valeur ». Socrate ne demande pas d’abandonner la richesse et les honneurs. Ce qu’il condamne et juge inacceptable, c’est l’attachement aveugle et maladif aux biens matériels, comme si la valeur d’un homme se mesurait à la quantité de son avoir.
CONCLUSION
Le texte que nous venons d’analyser a porté sur la mission philosophique de Socrate. Pour Socrate, vivre c’est philosopher ; et philosopher c’est enseigner à fond la nécessité de penser plus à la culture de l’esprit qu’à l’accumulation effrénée des biens et des avoirs. C’est vrai que nous avons noté que du point de vue matérialiste, il serait irréaliste comme le fait Socrate d’accorder une priorité à la culture de l’esprit. Mais nous n’avons pas manqué de relever que la grande leçon du texte, c’est l’importance que Socrate accorde au perfectionnement de l’âme et à l’inlassable quête des connaissances. Et c’est ce travail qui fondamentalement distingue l’homme de l’animal.
BONNE CHANCE AU BAC!!!
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